Vous trouverez ci-dessous quelques textes et informations concernant notre projet, ou la philosophie qui le sous-tend :
Les multiples pages de ce site évoquent en détail les activités "éco-nomiques-logiques" qu'abrite la ferme de Vevy Weron. Il se trouve que la ferme est aussi le lieu de vie quotidien d'une quarantaine de personnes , impliquées ou non dans ces activités. Ce que nous appelons "habitat groupé" , qui fait partie de notre "sphère privée", mais dont le thème semble intéresser bien des gens. Nous sommes ouverts à toute rencontre utile sur ce thème :voir coordonnées , ainsi que nombreuses photos dans les pages "centre d'accueil" . Nous préférons toutefois vous recevoir sur rendez-vous, pour être disponible à un échange fructueux et détendu, sans tomber au beau milieu de nos multiples activités ! Si vous formez votre propre projet, il peut être intéressant de se rencontrer en groupe, pour susciter de nombreux partages entre vous et affiner votre cheminement.
Pour vous lancer à votre tour dans l'aventure, une foule d'informations sur le site www.habitat-groupe.be , géré par l'ASBL "Habitat et Participation" à Louvain-la-Neuve. Chaque histoire est différente, mais pourquoi ne pas s'épargner certaines erreurs déjà vécues par d'autres, ou se renseigner pour visiter quelques lieux qui ont déjà "de la bouteille" !? Habitat et Participation organise au moins une fois par an des formations à la Création de Projets d'habitat groupé, qui se passent du reste bien souvent en tout ou en partie chez nous ! Bienvenue ! Voir ici l'agenda de leurs nombreuses activités !
par Christian Lagrange, aux Editions Terre Vivante
Si la crise du logement vous concerne, si vous désirez retrouver la convivialité et réduire votre impact sur la planète, alors il est temps d'envisager l'habitat groupé. Ce mode de vie permet de respecter chaque espace privé tout en restaurant l'esprit de coopération qui existait dans les villages autrefois. Le principe est simple : il s'agit de mettre en commun des biens, des équipements ou des compétences... afin de créer un habitat écologique et chaleureux.
Cette forme d'habitat, très répandue dans les pays du Nord, commence à apparaître sous nos latitudes et s'adapte à la ville comme àla campagne. Alors, avant de vous lancer dans l'aventure, profitez de l'expérience de Christian La Grange. Afin de vous aider dans vos démarches, il présente son parcours, émaillé de multiples témoignages. de façon très réaliste, il insiste sur les conditions du succès sans omettre les informations pratiques, juridiques ou financières.
Christian La Grange est architecte d'intérieur. ( voir son site ) . Apôtre de la simplicité volontaire, il est spécialisé dans un habitat dépouillé et économe. Depuis vingt cinq ans il vit en habitat groupé
(dont douze à la ferme de Vevy Weron ). C'est un mode de vie qu'il connaît, qu'il apprécie et qu'il souhaite faire partager.
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Le cohabitat ou l'habitat groupé, consiste à partager sa vie
de manière conviviale, sur un terrain divisé en parcelles privées et
communes. Chaque participant garde son habitat personnel, tout comme
son autonomie économique et idéologique. Il profite d'une maison neuve
ou rénovée, entourée de toutes sortes d'infrastructures communes et
d'équipements collectifs. Ce contexte dynamique vous permettra
d'entrevoir des horizons nouveaux. Vous serez entrainés à organiser
toutes sortes d'activités ou de grandes fêtes, que tout seul dans votre
coin, vous n'auriez jamais osé imaginer ou même entrevoir auparavant.
Ce sera également l'occasion de vous faire de nouveaux amis.
Concrètement ce seront aussi des actes d'entraide quotidiens,
comme conduire les enfants à l'école.
Sans en faire une règle absolue, tous les résidents participeront aux
prises de décision par consensus. Ils partageront des dépenses
quotidiennes, notamment celles de la buanderie ou ceux liés au
jardinage et participeront régulièrement à des travaux communs destinés
à entretenir les lieux. Ces travaux seront liés à des réunions
permettant diverses mises au point d'ordre pratiques et financières.
Vivre de cette manière, c'est investir dans le complexe et le
multiple, cela implique plus de souplesse, de rigueur et d'énergie.
Cela demande davantage d'attention, il faut apprendre à accepter et
respecter les autres dans leur différences et leurs complémentarités.
C'est lier son bonheur à celui des autres, accepter d'être limité par
les autres et prendre des initiatives constructives pour C'est aussi
une alternative aux maisons de repos et de soins. Bref, c'est une
association de personnes qui comme les dix doigts de la main, tenteront
d'adhérer à une cause ou charte commune.
Si vous ne l'envisagez que comme un refuge pour préserver votre
sécurité, le projet ne fera pas long feu et mieux vaut ne pas entamer
l'expérience. Si vous ne composez pas avec les autres et si la rigueur
fait place au “laisser aller”, tout s'écroulera rapidement et ne sera
plus que tensions et découragements. La formule a d'autant plus de
chance de réussite si les résidents ont contribué aux capitaux du
projet et consacré beaucoup de temps et d'énergie à sa mise au point.
Une des plus grandes difficultés pour la constitution du projet,
consiste à trouver assez de membres prêts à y adhérer. Comme tout
projet, plus il a été discuté et préparé, plus il a de chance de
traverser le temps.
Christian La Grange
Cela consiste, comme son nom l'indique, à habiter ensemble un endroit donné; à partager une certaine unité de lieu à un niveau supérieur à la famille nucléaire habituelle.
Sans rien enlever, précisons-le, à l'identité, à la vie familiale en tant que telle ! Simplement, plusieurs familles, ou couples, ou célibataires, choisissent d'expérimenter ensemble un niveau d'échange, d'action , d'engagement ou de fraternité « intermédiaire », à dimension humaine : à dix ou vingt on peut entreprendre des choses plus complexes, plus audacieuses, plus rapidement aussi, que tout seul ou en famille, sans pour autant se perdre dans la foule ou l'anonymat du village ou de la ville...
Et si certains habitats groupés ont la dimension d'un hameau ou petit village, une autre différence subsiste : les habitants se choisissent mutuellement selon certaines règles ou appréciations fixées en commun : loin d'en exclure tout conflit ( les humains restent des humains...) on évite ainsi la formation de clans et le « chacun pour soi ». Nous choisissons au départ certaines valeurs communes ( l'accueil, l'écologie, le respect ... ), qui garantissent une cohésion suffisante du groupe, et nous servent de garde-fou en cas de dissensions ou de litiges .
Nous nous différencions de l'habitat communautaire au sens ou nous partageons moins de temps et moins de choix qu'une véritable communauté : habitations différenciées, repas communs possibles mais non « obligatoires »; enfants non pris en charge collectivement, et pas ou peu de gestion matérielle commune, tout au plus une cagnotte ponctuelle ici ou là ...
Rien de bien effrayant, donc ! Juste prendre le temps pour nos nouveaux visiteurs de découvrir qui est qui et qui fait quoi où ! Au début, ça embrouille un peu et puis on s'habitue!
Georges Debaisieux - - - - - - Vevy Weron, septembre 2004 .
L'évolution de notre projet de groupe nous met quotidiennement en contact, mais à une échelle soutenable, avec les limites de toute activité humaine en croissance : à trop ajouter de personnes et d'activités, nous en viendrions à recréer la ville à la campagne, avec son cortège de nuisances. Chez nous, la croissance du groupe a été "organique" , au sens où 22 années séparent maintenant les deux familles du départ de la trentaine d'habitants actuels : on a eu le temps de s'adapter au fur et à mesure, comme un arbre qui prend le temps de grandir ! Ce n'est pas anodin, car même en ayant chacun son chez-soi , il y en a des choses à optimiser quand on partage le même lieu ! Et on n'improvise pas à 30 avec la légèreté qui nous suffisait à 8 !
En conscience, nous choisissons bien sûr de maitriser cette évolution : nous disposons d'autant d'hectares, d'autant de kilowatt-heures et d'autant de bâtiments, à un moment donné il faut se centrer sur ce qui est, et non plus croître comme le voudrait une « certaine logique » commerciale ! Notre projet gagne en réputation et attire du monde ! Partager trop nombreux les qualités inventées ici dissoudrait ces qualités mêmes dans la lourdeur du nombre ! Aussi invitons-nous régulièrment nos visiteurs "emballés" à fonder eux-mêmes un jour un projet à leurs propres dimensions !
Notre « micro-démocratie » interne nous permet de sentir chaque jour où la liberté, l'espace ou le pouvoir de chacun empiète sur celui de l'autre et devient donc contre-productif … Une réflexion, une discussion au sein ou non de nos réunions mensuelles permet d'éviter de stériles conflits : l'échelle même de notre projet permet plus ou moins à chacun de nous de garder une vue d'ensemble et de dépasser son point de vue égoïste ou personnel, ce qui devient de moins en moins possible à l'échelle d'un quartier entier, d'une agglomération ou d'une ville ! Même si nos activités professionnelles sont individuelles, nous pouvons veiller à leur synergie avec les activités des autres et considérer comme utile et nécessaire de respecter la place de chacun .
Et pareillement dans nos rapports interpersonnels, l'unité du lieu, rassemblé autour de la cour de ferme, et notre conscience de participer à une aventure passionnante, nous demandent ici et là de réévaluer certains désirs, certains reproches, certains comportements inadéquats, pour préserver la qualité de l'ensemble , comme nous aurions sans cesse à le faire concernant notre planète entière ! Nous ne pouvons pas, et nous ne voulons pas « sombrer » dans la désagrégation de notre « village », et voir réduire notre idéal à de vaines querelles de voisinage ; à l'anonymat, l' hostilité ou la méfiance mutuelle qui prévalent malheureusement dans bien des paysages humains ! ! !
Pourquoi attendre d'un paradis ce qu'il nous faut tôt ou tard ( ré- ) apprendre à construire « ici-maintenant » !??
L' habitat groupé à tendance écologique, en tant que réponse aux dégradations diverses causées par la mondialisation .
Il s'agit d'une mise en pratique très concrète de la pensée de René Dubos :
Sans être un spécialiste ni de l'OMC ni d'économie ni de politique internationale, il faut avoir la vue bien courte pour ne pas distinguer les corollaires fâcheux de la mondialisation commerciale sans limite, pour ne pas voir les effets pervers de l'ouverture illimitée de tous les « marchés » : on a généralisé un système où le SEUL régulateur est l'argent, le profit, le marché lui-même ! La finalité du marché, du profit ne fait plus partie du projet : le système tourne en « roue libre », même sans pilote : si ça se vend, c'est que c'est bon !!
Dès lors, prendre en compte la notion de « bien commun » , et donc d'écologie dans ce type de fonctionnement relève de la véritable révolution ! On n'y arrive à présent que sur papier, en « chiffrant » le prix du futur en cas de non-respect, ce qui est un peu détourné .
Concrètement, il s'agirait d'introduire dans tout projet de transaction économique, une attitude éthique : ceci est-il véritablement utile ? , soutenable à long terme ? , respectueux des communautés locales ? , écologiquement meilleur ? … La seule formulation de ces critères donne une idée du chemin à parcourir dans bien des cas !!!
Le pouvoir politique central ( ONU, Commission Européenne, et autres gouvernements ) n'est le plus souvent plus qu'un petit drapeau visible mais impuissant, la plupart des décisions vraiment importantes étant déjà prises dans le monde économique, et dans sa seule logique ( qui n'est pas véritablement « politique » ! ) . On assiste ainsi à l'invasion du monde politique, censé promouvoir et défendre un « idéal de vie », par le lobbying commercial généralisé : celui-ci est, de toute évidence devenu le « réel » pouvoir . Il faudrait bien évidemment que ce soit le contraire, et que des « visionnaires politiques » dignes du nom ( … tout est là … ) fassent du lobbying au sein des entreprises, et puissent, le cas échéant, interdire des pratiques non éthiques : il y va, ni plus ni moins, de la survie de la planète toute entière … ce qui à ce jour, ne semble guère inquiéter d'hommes politiques influents ( mais rarement visionnaires … ) .
Il en résulte que le plus souvent, l'individu, le citoyen se sent de plus en plus totalement dépassé par les événements, et éprouve le sentiment frustrant de n'avoir plus prise sur rien, de subir tout comme étant préprogrammé et inexorable …
C'est le « manque » dans lequel notre habitat groupé prend tout son sens : restaurer à petite ( et donc humaine ) échelle un espace de vie, de créativité, d'originalité où chacun peut se sentir actif, utile et relié . Ce qui n'exclut en rien l'activité économique, tout en la reliant – enfin ! – aux dimensions humaine et écologique . Mais ce qui ouvre un espace immense de rencontre, de solidarité et de service entre les personnes : de multiples ressources peuvent être partagées au lieu d'être vendues : baby-sitting, voiture, connexion internet, outils et compétences, buanderie, et j'en passe . C'est le lieu où inverser l' « atomisation » de toute consommation, si profitable à la société du même nom, et renforcée encore par l'éclatement moderne des familles . C'est le lieu où se réapproprier une réflexion intelligente sur ce qui se passe : nous nous voulons « responsables » de nos actes, sans se cacher hypocritement dans le troupeau de moutons ! C'est le lieu où réapprendre, justement, à être visionnaire, à « refaire le monde » pas seulement autour d'un verre, à cesser de « faire comme tout le monde » parce que c'est dans l'air du temps ! Comment aller vers l'avenir sans savoir ce qu'on veut y mettre !? La plupart de nos hommes politiques, coincés maladivement dans les vieux concepts de « plein emploi », « croissance économique à tout prix », et « comment être réélu la prochaine fois » ; sont parfaitement incapables d'imaginer un nouveau paradigme, d'innover réellement … nous nous y essayons à toute petite échelle, et l'exercice est vraiment instructif !
L'humanité a sans doute eu besoin de frôler ces limites inquiétantes pour prendre conscience du danger pour la planète, de la finitude des ressources, … La technique et la science permettent à présent des créations nouvelles même écologiques : le fonctionnement d'une éolienne moderne, ou l'économie de papier et de déplacements réalisée grâce à internet, doivent tout à des techniques très récentes et certainement utiles ! Il faut juste ne pas perdre de vue que cela ne suffit pas : l'attitude de « simplicité volontaire » et de « décroissance joyeuse » ont encore bien du chemin à faire dans les (in-)consciences pétries de publicités tapageuses pour gadgets inutiles . Extirper de sa tête la croyance que le bonheur soit lié à avoir encore et encore plus, surtout si l'on se targue d'en souhaiter autant aux milliards de personnes moins choyées , voilà le vrai travail intérieur !
Les divers chemins empruntés par le communisme au siècle dernier ont illustré une évidence : vouloir, par idéal, répartir la croissance plus égalitairement, rend cette croissance bien faible, sinon nulle ! Le libéralisme, permettant aux plus malins de récolter les fruits sur le dos des autres, brille par ses avancées spectaculaires en tous sens, et cache tant bien que mal les innombrables « dégâts collatéraux ».
La leçon à en tirer est à ce niveau : nous avons chaque jour le libre arbitre de choisir entre cette vitesse passionnante et destructrice de la « liberté » ; et la lenteur réfléchie et équilibrée ( la même que celle des arbres et de la nature toute entière ! ) d'une démarche plus approfondie, à moins courte vue, qui tente simplement de considérer chaque être humain comme un être humain …
Le chemin à suivre est simplement celui de la Nature, à laquelle nous appartenons inexorablement, et qu'une arrogance méprisable nous donne l'illusion de maîtriser ! Celle-ci, et malgré qu'elle n'a pas avec certitude de « plan d'avenir » précis, a progressé à petits pas minuscules, a crée par infimes mutations et mélanges successifs, la diversité équilibrée et incroyable que nous connaissons encore aujourd'hui . Ses lois « sévères » ( la loi de la jungle ? ) ont certes éliminé ici et là des créations devenues incompatibles avec d'autres :
nous avons chaque jour le libre arbitre de ne pas être les prochains sur la liste ! …
Alors, concrètement ?
Notre habitat groupé propose plein de petits pas utiles et réalistes :
Rétablissement du commerce de proximité : nous avons sur place un maraîcher bio, une boulangerie, et une épicerie qui rendent le « circuit court » plus évident que n'importe quel autre : substantielles économies en déplacements, temps perdus et tentations idiotes dans les grandes surfaces ; et création d'emplois conviviaux
Energies renouvelables : l'échelle d'un habitat groupé ( +/- 10 maisons ) permet des inves- tissements beaucoup plus intéressants en capteurs solaires, chauffage centralisé, et bientôt cogénération électricité/chaleur : une grosse installation ( 45 m2 de capteurs ) est proportionnellement moins chère et plus performante que 10 petites !
Convivialité : restructurer une vie sociale à dimensions humaines ; remettre à l'honneur le partage des compétences plutôt que leur commercialisation ; favoriser toutes formes de troc et de synergie entre les personnes et les activités .
Partage : d'un tas de choses habituellement multipliées par l'isolement : tondeuse à gazon, tronçonneuse, machine à laver, appareils divers, atelier, serre, piscine, connexion internet, jeux d'enfants, … véhicules dans une moindre mesure …
Lagunage et eaux usées : n'étant pas raccordés aux égoûts, nous assainissons nous-même nos eaux usées en fauchant nos lagunes de « macrophytes » et en les incorporant aux composts locaux : encore un circuit court qui permet de valoriser une matière sur place !
Quartier des roulottes : permettre aussi à certains d'entre nous de se réapproprier « le fait d'habiter » hors du cadre habituel « appartement/loyer/voisinage » peu souvent harmonieux quand on a peu de moyens .
Choix, en tant que propriétaire, de partager avec idéal, originalité et engagement la responsabilité d'un grand domaine ( 12 hectares ) au niveau humain ; plutôt que d'en tirer le profit maximum au niveau financier ou spéculatif : je suis juste « de passage » avant la prochaine génération ! ( ceci n'empêchant pas le réalisme d'une saine gestion immobilière )
… dans une grande partie du monde, rien que ça éviterait bien des désastres !! …
et enfin :
Exercice quotidien de la micro-démocratie : l'essentiel de nos décisions importantes se prend en groupe, en réunions mensuelles et dans le consensus le plus large possible, càd prenant chaque fois que nécessaire le temps d'harmoniser les différents points de vue pour éviter des « minorités frustrées » trop régulières et pesantes pour l'ensemble du groupe .
Il y a là un espace fondamental où se retrouver acteur et responsable des nombreux choix que la vie propose, plutôt que spectateurs impuissants ou râleurs « improductifs » : nous réapprenons à POUVOIR faire bouger les choses !
Georges Debaisieux
Ferme de Vevy Weron, mars 2007
Eh oui, nous aussi avons eu notre séquence décalée avec Mouloud, icône incontestée des actualités funky en France ! Le concept d'émission d'une heure était tout neuf, et dédié à l'écologie " Mouloud se met au vert", traitée comme il se doit avec une certaine ironie, mais destinée à toucher peut-être un public inhabituel ... Les 12 dernières minutes de l'émission se déroulent chez nous, mettent en scène quelques aspect de vie quotidienne, et le reste est intéressant et/ou amusant aussi !
Alors vive l'écologie funky, nos réflexions quotidiennes en petit comité, frottées au monde fou des villes !
... D'ailleurs c'est le problème ( relativement insoluble malheureusement ) de nos courageux représentants écologistes : comment se faire élire avec des objectifs impopulaires ? Comment "vendre" les comportements écologiques de manière joyeuse, attirante, alors qu'ils sont souvent teintés au départ d'idées ( bien nécessaires au demeurant ) de restrictions, de résistance, de conscience et autres comportements "laborieux" pour certains ... Si ce n'est par les électeurs déjà conscients. Comment convaincre les autres ? La peur ? La peur de la dioxine, la peur des intoxications, la peur de l'accident nucléaire, la peur de la dérégulation en pagaille ? Serrons-nous les coudes pour avoir moins peur ? Ou aussi, le dédain pour toutes les autres formes de politique, qui s'enlisent l'une après l'autre dans les mêmes ornières politiciennes ... Comme si le système lui-même empêchait dorénavant toute vue à long terme, toute politique digne du nom . Totalement empêtré dans ses auto-justifications, dans son impardonnable lâcheté devant "la main invisible", son hypocrisie devant la pauvreté, et surtout, surtout, son invraisemblable foi dans les axiomes obsessionnels : "Ca va redémarrer, là on prend un peu le bouillon, mais tout va bien, ça va repartir, ayez confiance ! " ; "Surtout, citoyens, continuez à consommer, l'avenir du capitalisme est entre vos mains ! " ( quoique la deuxième moitié de la phrase, assez vraie si on s'y met tous ensemble, est par ailleurs très intéressante ! ) ; ... et le joli chapeau qui coiffe le tout : "la Croissance", leitmotiv d'une planète à la dérive ; même maintenant, nous sommes dans une période de croissance négative !
Si ça c'est pas funky, alors ! Bon, c'est de l'économie, c'est pas de l'écologie, mais on va y arriver !
Or oui, il faut "vendre" le végétarisme, la marche à pied, le vélo, les matériaux et les jouets qui durent, les toilettes sèches et tous les appareils économes ( donc le moins d'appareils possible ! ) ; il faut boycotter les gadgets délirants, la vie full automatique, toute forme d'assuétude aux modes et aux marques . Il faut quitter tout cela, sans se désoler de la fin d'aucun "âge d'or" ! Les temps actuels sont complètement fous, et la planète survivra très peu de temps à leur maintien . Il faut souffler vigoureusement sur ce château de cartes de la consommation effrénée d'objets inutiles et de qualité sans cesse décroissante, il faut expliquer aux enfants le gaspillage monumental qu'elle représente de plus en plus, l'illusion folle qu'elle véhicule de combler les désirs humains, extensibles à l'infini et exaltés au delà de toute limite naturelle par une publicité omniprésente ... On ne peut plus ne pas voir que toute cette arrogante richesse est bâtie sur la misère de l'immense majorité des hommes, les seuls qui travaillent vraiment, les seuls qui, avec leurs maigres moyens, produisent plus qu'ils ne consomment, les pigeons absolus de tout le système !
Nous voyons à présent les empires financiers s'écrouler l'un après l'autre, se raccrocher dare-dare au soutien des Etats après avoir joué impunément pendant trante ans avec l'argent de tous, et surtout avoir reculé sans cesse encore au-delà de toute limite honnête, la correspondance entre les invraisemblables crédits accordés tous azimuts, et la richesse réelle ( de moins en moins réelle, justement, la preuve en est ! ) sur laquelle s'appuyer ! Tout se passe comme si on avait déjà dépensé la richesse que produiront ( si tout va bien ! ) les trois ou quatre générations d'humains à venir !! Si ça ne s'appelle pas fondamentalement "hypothéquer l'avenir", je veux bien faire science éco pour comprendre enfin la beauté incomprise du système financier moderne !
Car enfin, avec du simple bon sens, si on regarde ce qui se passe, il y a un problème vraiment structurel, non ? Réfléchissez :
Toutes les banques, tous les Etats, tous les citoyens dits civilisés aussi, sont endettés jusqu'au cou, ils doivent tous des milliers, des millions ou des milliards de dollars ou autres ! Mais d'où viennent-ils ?? Qui les a prêtés ?? Où est-il ce citoyen, cet Etat, où est-elle cette banque qui croulerait sous les créances, elle, où est l'autre plateau de cette balance folle ??? Nulle part bien sûr ! Les banques gèrent à présent des "actifs" ( il faut oser ! ) dix fois, vingt fois supérieurs à leurs avoirs propres ! Tout cela est virtuel, tout ça c'est du vent, de la richesse fabriquée sur les pauvres, sur les générations futures, tout ça ce sont des plus-values purement financières créées de toutes pièces sur d'obscurs flux de réelles marchandises, de réels services cachés là tout en dessous de la pile, la "vraie économie" comme on dit maintenant ( c'est fou les néologismes qui apparaissent soudain à ce tournant des choses ! ). Tout ça ne repose sur rien de concret, rien de solide ! Tout ça fonctionne à la confiance, tout ça nécessite de continuer sans cesse à jouer ce même grand jeu avec les mêmes règles ou mieux, avec des règles elles-mêmes de plus en plus folles ! N'est-ce pas la définition même de l'instabilité ? Alors il faut comprendre que si le château de cartes virtuel s'écroule, ce qui - ne devrait-on pas l'espérer ? - est en train de se passer, seule cette économie vraie conservera une valeur vraie ! Un peu trop de crédits foireux d'un coup, un peu trop de confiances effritées un peu partout au même moment, et tout commence à basculer dans le chacun pour soi, étape préliminaire au néant - ou au retour hypothétique et tellement souhaitable à un peu de sagesse ! Les robinets fous du crédit se ferment, et le vide apparait ; l'impensable vide sur lequel naviguent ces navires fianciers aux arrogants timoniers ... Et avec tout ce qu'on a délocalisé, externalisé, vendu d'une manière ou d'une autre aux pays émergents, eh bien nous nous rendrons compte, tout dépités, qu'il ne nous reste plus grand chose de concret, et que nous nous sommes mis, avec notre aveuglement commercial de nantis, dans une dépendance absolue à d'autres économies ! Juste retour des choses ... sauf à modifier d'un coup toutes ces régles volatiles par un petit coup de pouce militaire de la part de l'un ou l'autre mauvais perdant ... évidemment !
Enfin, tout ça a déjà été dit, mille fois ... Il faudrait justement ne pas vendre ces nécessités mais les enseigner, les donner à comprendre dès le plus jeune âge, et il y a du boulot !
Les années à venir ont toutes chances d'être passionnantes ! Funky ? On va essayer ; c'est pas gagné !
C'est facile de parler de simplicité volontaire à des convaincus ! C'est autre chose de faire passer ce choix chez les novices, chez les "nouveaux utopistes" : ceux qui croient dur comme fer que le monde peut continuer à tourner comme il tourne sans courir à une perte totale et certaine, qu'il n'y a rien à limiter, que tout va de mieux en mieux ... Les gens normaux eux, savent que ça ne peut plus durer très longtemps, qu'on ne va pas droit au mur, qu'on est déjà dedans ! Mais ils ne savent pas quoi faire ... Ca fait des décennies que les philosophes suggèrent de "changer l'homme", "changer les mentalités" ... Il est temps d'en finir avec les concepts de ce genre, et d'agir : se changer soi-même dans ses croyances, son rapport au monde réel, aux autres, à l'argent, à la Nature !!! Aujourd'hui, pour de vrai ; pas demain s'il fait beau !
Georges, octobre 2008 ... et merci à Sébastien pour la "Nouvelle Théorie de l'Utopie".
Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette
tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité,
nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec
brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal. Telle
notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités
d'insouciance. Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le
reste était à la peine.
Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à
l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous
avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous
avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons
chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi,
nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones,
franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire
fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous
la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces
vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le
sol, ni vu ni connu.
Franchement on s'est marrés. Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo
de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des
pommes de terre.
Certes.
Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières ( la Révolution
néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a
pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont
quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé
notre avis.
C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement
laissés jouer avec elle depuis des décennies.
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié :
Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des
araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu
portées sur la danse).
Sauvez-moi, ou crevez avec moi.
Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on
s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et
honteux.
D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser
encore avec la croissance.
Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa
voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en
partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à
côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en
laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où
il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon
tranquille – récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le
phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est
quand même bien marrés).
S'efforcer. Réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être
solidaire..
Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.
Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui
l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.
Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas
incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le
retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l'homme, sa
plus aboutie peut-être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons
encore.
Fred Vargas , archéologue et écrivain